Noblesse déchue

Le ciel bleu, elle ne voyait que le ciel bleu….
Non, en fait, elle le devinait.

A travers le volet fermé du donjon ou elle était maintenant enfermée depuis.. depuis combien de temps déjà? depuis qu’on l’y avait abandonnée..

Le ciel , elle se l’imaginait immaculé. La lumière aujourd’hui semblait plus forte car les vieilles lames écaillées du volet filtraient des nuances claires.
Claires, simplement parce que par endroits, le plancher apparaissait enfin, ou plutôt parce que par endroits, la poussière recouvrant le planché semblait plus nette, plus épaisse. Parce que les traces de sa nouvelle compagne, fines et fluettes, se matérialisaient en courbes incertaines.

Sa nouvelle compagne, son ennemie plutôt. Son ennemie qui lui rognait les pieds dans son sommeil confus. Elle avait les dents plus acérées, plus cruelles que ses ancêtres rongeurs; des entailles plus profondes, plus douloureuses qui finiraient par définitivement l’estropier.

Enfermée, là, oubliée au sommet du donjon.

Son vieux compagnon de toujours avait eu moins de chance qu’elle.
Il avait pourtant toujours été fidèle, discret, loyal.
Condamné par manque de noblesse.
Trop vieux, trop chétif, trop terne.
Torturé, écartelé, brûlé à la Saint Jean, ses cendres jetées dans l’eau du lac.

Abandonnée dans une pièce sombre, circulaire, poussiéreuse.
Les vers aussi vont l’achever, la dévorer de l’intérieur…

Triste fin pour une armoire, aussi noble soit elle.

© Eric Monvoisin



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